christineDe ses premiers engagements militants à ses combats récents, le parcours de Cristine Deliens et son regard sur Cultures&santé sont précieux pour comprendre l’histoire de l’association en tant qu’acteur de promotion de la santé. Ardemment impliquée dans la promotion de la santé en milieu scolaire, nous avons parlé d’animations, de décodage culturel, de formation de relais et de plaidoyer ; au passé, au présent et au futur.

Pourriez-vous vous présenter et retracer en quelques mots le parcours qui vous a amenée à Cultures&Santé ?

Je suis sociologue, spécialisée en recherche sociologique appliquée à la santé. Au cours de ma carrière professionnelle, j’ai été amenée à travailler à la mission locale de Saint-Gilles. Je coordonnais le projet santé de la ZEP [zone d’éducation prioritaire]. Celui-ci comportait deux volets : d’une part, la mise en place de projets dans les écoles visant le mieux-être des enfants et des enseignants et d’autre part, une étude des priorités de santé pour la population scolaire de Saint-Gilles. Ce projet a constitué le point de départ de ma collaboration avec Cultures&Santé. En découvrant les compétences d’animation de l’équipe, j’ai décidé de rejoindre l’assemblée générale.

Sous quelle forme se concrétisait cette collaboration ?

Les élèves des écoles de Saint-Gilles étaient en grande partie d’origine immigrée. L’un des paris du projet de la ZEP était de faire entrer leurs parents dans l’école et d’en faire un lieu plus familier. A ce moment-là, Cultures&Santé proposait des animations participatives sur un certain nombre de thématiques santé afin de faciliter leur compréhension auprès de personnes infra-scolarisées. Même si les animations étaient co-construites en amont, c’étaient des animatrices de Cultures&Santé qui les menaient. Elles avaient une manière spécifique d’amener les sujets et de faire émerger la parole des participants. Cette pratique découlait notamment d’une recherche sur les habitudes de vie en contexte multiculturel qu’elles avaient menée en collaboration avec l’Université Libre de Bruxelles.

Quel était l’objectif visé à travers ces animations ?

A ce moment-là, Cultures&Santé s’adressait à un public qui ne disposait pas des mêmes chances que les autres. Il s’agissait donc de tendre vers plus d’équité et de lutter contre l’exclusion. Il fallait notamment renforcer les capacités des parents à jouer un rôle actif dans l’éducation de leurs enfants. Même si les animations étaient focalisées sur des compétences santé, la finalité était plus large. C’était dans l’esprit de Cultures&Santé.

En dehors des animations en milieu scolaire, quelles étaient les activités de Cultures&Santé ?

Reconnue par les pouvoirs publics comme acteur de promotion de la santé, Cultures&Santé poursuivait une mission thématique qui était celle de soutenir les publics infra-scolarisés. Pour ce faire, l’asbl formait des relais qui intervenaient auprès d’eux. Ces formations très participatives constituaient, pour ces relais, une occasion d’échanger sur leur pratique et de découvrir d’autres manières de former et d’approcher les publics. S’appuyant sur les résultats de leur étude sur les habitudes culturelles, les formatrices proposaient des outils facilitant le décodage culturel. Le but visé était de casser les préjugés et de créer une sensibilité permettant de susciter des échanges. En effet, comprendre le langage de l’Autre est l’une des clés de voute de toute relation soignant-soigné et de tout travail de développement communautaire. Cette stratégie de formation des relais était d’autant plus intéressante qu’elle détenait un fort potentiel de changement.

Selon vous, quelle est la plus grande réussite de Cultures&Santé ?

Cultures&Santé est devenue la championne du plaidoyer pour la lutte contre les inégalités sociales de santé. Son discours a pris du corps avec la nouvelle équipe. Il a été renforcé sur le plan théorique et la défense publique des concepts est beaucoup plus visible. Je pense que ce rôle est très important et doit se poursuivre. On pourrait également imaginer que Cultures&Santé forme des relais et des intervenants par rapport à ce type de plaidoyer.

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Comment imaginez-vous l’avenir de Cultures&Santé ?

Quand on voit la situation actuelle des réfugiés, je pense qu’il est intéressant de revenir aux premiers combats de Cultures&Santé qui portaient une attention particulière à la santé des immigrés. Cela implique une collaboration avec l’ensemble des acteurs investis auprès des réfugiés en vue d’une plus grande dignité et de meilleures conditions sanitaires. Pour mener à bien cette mission, Cultures&Santé devra maintenir son rôle de plaidoyer en faveur d’une meilleure politique d’accueil. Cette action doit prendre en compte les spécificités actuelles, comme le nombre important de personnes qui s’exilent pour des motifs de guerre. Toutefois, le contexte d’aujourd’hui est complètement différent que celui de la fin des années 1970. De ce fait, j’imagine Cultures&Santé avec une présence accrue auprès des organismes qui travaillent avec les migrants.

Que vous inspire Cultures&Santé en un seul mot ?

Diversité : diversité des publics qu’elle vise et diversité des actions qu’elle mène.

Auriez-vous un message à faire parvenir à Cultures&Santé à l’occasion de leurs 40 ans ?

Le Roi est mort, vive le roi ! Il est possible pour Cultures&santé de mener de nouvelles actions mais également de revisiter l’ancien.

 

Propos recueillis à Bruxelles le 14 février 2018