
L’égalité des places
L’égalité des places a pour objectif de resserrer la structure des positions sociales, de réduire les écarts de conditions de travail, de revenu, de vie entre les catégories socioprofessionnelles. Ce modèle est le fruit des luttes ouvrières du XIXe siècle qui entendaient associer aux droits politiques acquis, des droits sociaux. S’appuyant sur une solidarité organique, l’Etat y joue le rôle de protecteur. Ce modèle qui a eu pignon sur rue en France jusqu’il y a peu, a permis de relever le niveau de vie général de la population par l’accès à certains biens.
Critique de l’égalité des places
Malgré son efficacité, cette politique a eu tendance, à un certain point, à sécuriser les places plus qu’à réduire les écarts; tant et si bien qu’elle a été taxée de conservatisme. L’égalité des places est surtout favorable à une vaste classe moyenne. Il y a donc dans ce système une marge exclue, des laissés-pour-compte (souvent des femmes et des immigrés). Et, quand la croissance est en berne et que le chômage de masse s’installe, le principe de justice faiblit et le sentiment de menace de déclassement social est plus présent.
L’égalité des chances
Comme les places se font rares aujourd’hui, la conception de l’égalité des chances prend du galon. Elle vise à lutter contre les discriminations qui perturbent une compétition au terme de laquelle des individus égaux au départ occuperaient des places hiérarchisées. A chaque génération, une redistribution des places devrait s’effectuer sur base du mérite de chacun, à l’instar de la compétition sportive. Avec ce modèle, l’enjeu de la vie sociale se déplace des institutions vers les individus, requis de vouloir réussir. Aux politiques universelles, se substituent des politiques ciblées sur des publics.
Critique de l’égalité des chances
Depuis une trentaine d’années, les inégalités sociales se creusent partout et surtout dans les sociétés où le modèle des chances est institué. Ce modèle instaure une concurrence victimaire, puisque ce sont différents sous-groupes qui doivent obtenir des avantages différentiels. Les frontières sociales se muent donc en frontières culturelles ; la question de l’identité devient prégnante. Par ailleurs, c’est aussi la loi du malheur au vaincu, celui qui n’a pas tenté sa chance, celui qui s’est laissé aller est blâmé au nom de la responsabilité individuelle.
Priorité à l’égalité des places
François Dubet prend position et donne priorité à l’égalité des places. Le meilleur argument pour ce modèle tient au fait que plus la structure sociale est resserrée, plus la mobilité sociale est aisée. L’ascenseur social ne monte ou ne descend pas de beaucoup mais il est plus souvent actif et plus de gens peuvent l’emprunter. Les places servent donc les chances. L’investissement collectif sert la réussite personnelle. Il ne faut pas voir derrière cette vision une quelconque utopie communiste mais bien une quête plus efficace vers une qualité de vie et une autonomie pour tous.
"Plus nous sommes égaux en principe et dans les faits, plus nous pouvons choisir d’être différents sans que cette différence ne soit un enfermement pour les uns et un danger pour les autres."
Conférence de l’auteur en lien avec le contenu du livre