
Inégalités sociales et injustice
Pour qu’une inégalité soit sociale, elle doit être l’œuvre de la société. Ce qui veut dire que toute inégalité produite dans la société ne l’est pas par la société. On parlera d’inégalités suprasociales pour désigner celles qui sont le fait de la nature et d’inégalités infrasociales pour celles qui relèvent des comportements individuels. Mais résumer les inégalités au sein de la société à leur part naturelle ou à des inégalités d’efforts des individus est un raccourci inadmissible. Ce sont d’ailleurs les principaux arguments de légitimation des inégalités brandis par l’extrême droite pour le premier aspect et par le discours néolibéral pour le second. Ce sont surtout les structures sociales qui entrent en jeu dans l’aggravation des disparités naturelles et il ne faut jamais oublier que les comportements individuels sont déterminés socialement.
Inégalités multidimensionnelles
Etant donné que les ressources distribuées inégalement dans la société sont multidimensionnelles, les inégalités le sont tout autant. Elles s’étendent à tous les domaines de la vie : revenus, patrimoines, moyens de production, logement, emploi, consommation, santé, école, loisirs, réseaux de socialisation, pouvoir de se faire entendre, diplômes, maîtrise des savoirs, références culturelles... Pour synthétiser, il existe des inégalités de l’ordre de l’avoir, du pouvoir et du savoir.
Interrelations et cumul des inégalités
Ces inégalités sont fortement liées entre elles. Par exemple, un mauvais état de santé aura un effet sur l’emploi, le revenu disponible, l’usage social du temps… Non seulement, les inégalités interagissent mais, entre facteurs, il existe des boucles de rétroaction c’est-à-dire que l’effet renforce sa propre cause qui la renforcera à son tour. Par exemple, la perte d’un emploi pourra fragiliser l’état de santé mentale d’une personne qui ne lui permettra pas d’en retrouver un autre rapidement. Le résultat global est le suivant : d’un côté de la hiérarchie sociale, on accumule des handicaps et de l’autre, les privilèges.
Reproduction des inégalités
Les inégalités sociales se reproduisent aussi de génération en génération. La mobilité dans la structure sociale est, en réalité, très faible. Et quand elle existe, elle se limite en grande majorité à des trajets courts. Un fils d’ouvrier aura très peu de chance de devenir cadre malgré le fait qu’il ait pu engranger plus de titres scolaires que ses parents. Entrent en ligne de compte dans cette hérédité sociale, non seulement le capital économique (ex : le patrimoine) mais aussi le capital culturel (ex : un environnement stimulant) et le capital social (ex : un large réseau de connaissances). Dans ce sens et selon Bihr & Pfefferkorn, la méritocratie, tant et tant promue dans nos sociétés, est un mythe et le modèle de l’égalité des chances tel qu’appliqué, inefficace en ce qui concerne la réduction des inégalités sociales.
Conclusion
Ces caractéristiques nous montrent bien que nous avons affaire à un système des inégalités qui fige les positions sociales. Les auteurs concluent en mettant en évidence le caractère segmenté de nos sociétés, au sein desquelles coexistent des groupes sociaux inégalement dotés en ressources matérielles, sociales et symboliques. Les divisions, inégalités et conflits qui la traversent ne sont pas des micro-fractures entre individus mais bien des divisions entre groupements partageant une position commune dans la société.