La reproduction sociale est à opposer à la mobilité sociale, qui peut être mesurée par la part de personnes ayant atteint une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leurs parents. Elle peut donc être ascendante, en cas d’amélioration de statut, ou descendante, lorsque celui-ci se dégrade. Quatre chapitres principaux, outre l’introduction, structurent cet ouvrage clair et accessible qui assume ouvertement un plaidoyer politique progressiste visant à accentuer cette mobilité.

La première partie porte sur le "mirage des sociétés moyennes" : l’auteur remonte les années du XXe siècle pour déceler les mécanismes qui ont conduit à ne plus analyser la structure de notre société en termes de classes sociales, marquées et structurées chacune par des intérêts et des oppositions différentes, mais plutôt sous l’allure d’une bulle aux contours peu définis, la classe moyenne. Sur fond de croissance économique durant les 30 glorieuses, a triomphé dans la sphère académique l’idée d’une moyennisation de la société qui s’appuie sur la massification scolaire, la tertiarisation de l’économie et la consommation de masse. Tant et si bien que jusqu’aux années 1960, la mobilité sociale paraît évidente : la diminution des inégalités sociales économiques et éducatives aurait rendu les frontières entre les classes plus poreuses au point qu’on ne les distinguerait plus guère les unes des autres. On ne se trouve donc plus face à différents groupes sociaux, mais devant un continuum qui laisse pour tout un chacun la possibilité d’une amélioration sensible de sa condition. Une grille de lecture nuancée, chiffres à l’appui, par Camille Peugny.

Pour l’auteur, cette analyse n’inviterait plus in fine à suffisamment considérer les différentes catégories sociales de la société comme étant marquées par des inégalités pourtant avérées, et donc limiterait l’action politique afin de lutter contre celles-ci. En effet, depuis lors, cette croissance sans précédent – dont l’impact réel sur la reproduction sociale serait de plus resté fort limité – a cédé la place à plusieurs crises qui ne permettent plus de persévérer dans les mêmes constats sociaux.

Le deuxième chapitre de l’ouvrage s’intéresse à l’évolution de la reproduction sociale sur les 25 dernières années, c’est-à-dire grosso modo depuis les années 1990, en s’appuyant sur différents indicateurs, dont notamment les éventuelles différences de statuts socio-professionnels entre parents et enfants. De manière globale, on peut dire que la reproduction sociale a depuis lors cessé de diminuer, s’accentuant même favorablement en faveur des personnes de conditions aisées.

Le troisième chapitre s’intéresse plus particulièrement à l’école, l’un des piliers de la République française – dans ses missions d’intégration et de démocratisation de l’éducation, notamment. L’auteur dresse le portrait d’une école "foncièrement élitiste", qui préfère le succès de quelques-uns, fussent-ils peu représentatifs, à la réussite de nombreux autres, quant à eux délaissés par le système éducatif. Les inégalités n’ont donc pas disparu : si la démocratisation de l’accès à la scolarité a engendré une massification scolaire positive, leur apparition a été repoussée plus loin dans le cursus scolaire et la structure générale n’a jamais été remise en question.

Concrètement, cela se traduirait actuellement dans le système français par deux phénomènes principaux. D’une part, par la prévalence importante des jeunes dont les conditions sociales sont moins aisées parmi ceux qui décrochent précocement de l’école, et qui n’accèdent donc pas au baccalauréat, les reléguant pour toute leur carrière ultérieure à des emplois peu qualifiés. D’autre part, par la filiarisation qui s’est opérée parmi les études supérieures, clivées selon la valeur du diplôme obtenu et l’employabilité que ce dernier confère sur le marché de l’emploi. Autrement dit, les filières les mieux reconnues (médecine, droit, commerce…) sont en grande majorité l’apanage des personnes les mieux loties socio-économiquement dès leur naissance.

Pour l’auteur, et c’est l’objet du dernier chapitre de son ouvrage, il faut donc en finir avec le mythe de la méritocratie, qui ne se vérifie pas dans les réalités sociales. À l’heure de l’allongement des carrières, la mission égalitaire ne peut se borner aux premières années de vie, dont la teneur est fortement liée aux inégalités sociales. Afin de juguler le phénomène, Camille Peugny plaide pour que notre société multiplie les occasions d’égalité, notamment grâce à un dispositif de formation universelle tout au long de la vie. Celui-ci pourrait prendre la forme de bons mensuels utilisables quel que soit l’âge des individus, qui leur permettraient d’entamer des études où qu’ils se situent dans leur carrière. Il s’agit donc d’un plaidoyer pour un droit à la formation tout au long de la vie afin de diminuer le poids des conditions sociales de naissance, et d’un rééquilibrage général des mécanismes sociaux et collectifs en faveur d’une plus grande égalité entre les individus.

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