marjolaineFruit d’un héritage paternel, la promotion de la santé est une histoire de famille pour elle. Au contact des acteurs qui ont fondé le secteur en Belgique francophone, elle y baigne depuis sa tendre enfance. Elle, c’est Marjolaine Lonfils, ancienne directrice adjointe et coordinatrice du pôle promotion de la santé de Cultures&Santé de 2007 à 2017. Pour nous, elle a accepté de nous livrer son regard sur cette décennie passée au sein de l’association.

Pouvez-vous retracer brièvement votre parcours professionnel ?

Je suis titulaire d’un Master en langue et littérature françaises et d’un DES en aide humanitaire. J’ai entamé mon itinéraire professionnel dans le secteur de la promotion de la santé au sein de l’association Educa Santé à Charleroi. Je me suis rendue par la suite à Paris où j’ai été engagée au sein d’une association impliquée dans l’accès au droit aux loisirs pour des personnes en situation de handicap. Lorsque je suis revenue en Belgique, j’ai travaillé quelques temps dans l’enseignement mais j’avais le souhait de revenir dans le domaine de la promotion de la santé. J’ai rejoint Cultures&Santé en 2007 où j’ai posé mes valises pendant 10 ans. Je l’ai quittée en décembre 2017 pour devenir responsable du service Centres de vacances à l’ONE.

Vous êtes arrivée en octobre 2007, quelles étaient à ce moment-là les préoccupations de Cultures&Santé ?

Lorsque je suis arrivée, Cultures&santé traversait une crise. Le centre de documentation, les activités communautaires et l’administratif fonctionnaient bien, mais il n’y avait plus de projet de promotion de la santé digne de ce nom. Ma fonction s’intitulait « stratégie et développement » parce que l’idée était de retrouver une place, de se développer, tout en se forgeant un regard stratégique sur les enjeux de promotion de la santé. J’avais la chance de bien connaître ce secteur pour y avoir travaillé pendant 3 ans et pour avoir eu depuis mon enfance un contact avec la promotion de la santé et les personnes qui y étaient impliquées. Et puis surtout, nous avons été soutenus par des gens du secteur pour construire un nouveau programme d’actions, des acteurs qui croyaient en nous, en nos spécificités.

Quelles étaient les missions poursuivies par Cultures&Santé ?

Au départ, nous aspirions à nous refaire une place dans le secteur. Se refaire une place, c’est pouvoir témoigner d’une certaine expertise, d’une offre, de projets mis en œuvre… Ainsi, par exemple, nous avons reconstruit une expertise en faisant des interventions dans des centres d’insertion socio-professionnelle, dans des maisons médicales… Le but de ces interventions était de mettre en relief les représentations de la santé et les déterminants de la santé. Nous avons très vite organisé des sensibilisations auprès d’étudiants en soins infirmiers pour partager ces expériences. Nous avons aussi réfléchi à un programme de formation mais rien ne s’est concrétisé directement. Puis, nous avons créé un outil pédagogique "La santé c’est aussi…" [affiche mettant en évidence les déterminants non-médicaux de la santé], qui a été un véritable élément déclencheur. À partir de ce moment-là, nous sommes allés plus facilement à la rencontre d’acteurs venant de différents secteurs qui reconnaissaient la légitimité de notre outil. Cet outil constitue à mon sens le visage du renouveau de Cultures&Santé.

Vous êtes restée 10 ans à Cultures&santé, comment l’association a-t-elle évolué pendant cette période ?

Je pense, qu’en moins de 10 ans, nous avons réussi à reconstruire une expertise en matière d’inégalités sociales de santé, de publics en situation de précarité, de migration et d’interculturalité. Nous avons réussi à élaborer une offre de formations grâce d’une part, aux connaissances et savoirs accumulés et d’autre part, aux compétences d’animation que plusieurs d’entre nous pouvaient apporter. Par ailleurs, ce que nous avons proposé comme outils pédagogiques en promotion de la santé a conduit a de grandes avancées et ce, même dans le secteur.

Quel bilan tirez-vous de l’activité de Cultures&santé ?

Sur le plan personnel, Cultures&Santé m’a apporté le sens de la qualité, des connaissances spécifiques en matière d’inégalités et d’altérité et une capacité à questionner les besoins et les attentes des professionnels. En ce qui concerne le bilan de l’association, je me rends compte que Cultures&santé a de belles ressources humaines et de réelles compétences en matière d’animations de groupe, un aspect auquel nous avons accordé beaucoup d’attention. Il est à souligner également une offre de formations avec de réelles spécificités qui s’articule avec l’existant (dans d’autres organismes) et se complète. Aussi, le centre de documentation est bien fourni et particulièrement attentif aux besoins des visiteurs. Le travail de l’association est structuré et bien organisé. Par exemple, nous élaborions des rapports d’activités extrêmement fournis… Nous faisions même plus que ce qui nous était demandé de faire.

Selon vous, quel est le plus grand aboutissement de Cultures&Santé ?

L’image que nous avons réussi à redonner à Cultures&Santé en moins de 10 ans, fruit du travail de l’équipe actuelle. Alors que nous n’existions presque plus, nous sommes re-devenus incontournables.

En 40 ans d’activité de l’association, qu’est-ce qui vous marque le plus ?

Pour moi, il existe deux constantes qui ont traversé les 4 décennies de Cultures&Santé. D’abord sur le plan humain, il y a des membres de la première heure, qui ont toujours cru au projet de l’association et qui s’y sont investis jusqu’à aujourd’hui. Ceci est vrai également en ce qui concerne une partie de l’équipe de travailleurs. L’autre constante a trait à ce questionnement par rapport à l’Autre [celui qui est animé par une autre culture], à ses représentations, à ses besoins, à son contexte de vie, à la manière dont il voit le monde. Partant de là, il en résulte une posture très positive et reconnaissante que Cultures&Santé essaie de soutenir.

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Comment concevez-vous l’avenir de Cultures&Santé ?

Maintenant que je suis engagée dans un autre secteur qui est assez proche, celui de l’enfance, je me rends compte qu’il y a vraiment un besoin de sensibilisation des acteurs de l’enfance (et petite enfance) sur les questions de précarité, de migration et de santé.

Auriez-vous des pistes d’action ?

Je pense que l’asbl devrait s’ouvrir aux questions du handicap qui comportent beaucoup de similitudes avec celles déjà abordées. Mais, c’est difficile de s’engager sur de nouvelles voies compte tenu des moyens. Je pense aussi au développement d’un militantisme plus marqué. Toute la question est de savoir comment et avec qui.

Pensez-vous que grâce à l’action de Cultures&Santé et d’autres, les inégalités sociales de santé se sont amoindries ?

Globalement, je n’ai pas le sentiment que ça va mieux. D’ailleurs, c’est une des raisons pour lesquelles je suis partie. C’est un désespoir qui n’est pas lié à Cultures&Santé mais à la société dans laquelle nous vivons. Par contre, j’ai l’impression que nous avons sensibilisé énormément de professionnels de terrain qui optent pour des postures différentes ayant un effet positif sur le bien-être de tous y compris – et surtout - des adultes particulièrement marqués par les inégaltiés.

Que vous inspire Cultures&Santé en un seul mot ?

Rubik's cube.

Un mot de la fin concernant Cultures&Santé ?

Je souhaite à Cultures&santé une longue vie dynamique et riche.

 

Propos recueillis le 4 avril 2018 à Bruxelles