catherineSa carrière de médecin généraliste a débuté avec le choix, en 1979, de travailler dans un quartier multiculturel de Bruxelles. Ardente partisane du recours à l’interprétariat en consultation médicale, elle continue à faire appel à une interprète à la maison médicale afin d’offrir à ses patients "un petit vent de liberté". Catherine Cretin-De Blauwe nous raconte le lien tissé avec Cultures&Santé dont elle est membre active depuis nombre d’années.

Pourriez-vous vous présenter ?

Depuis 1979, je suis médecin généraliste à la maison médicale des Riches Claires dans le centre de Bruxelles. J’assure des consultations, des visites à domicile et, avec l’équipe, nous menons un programme de santé communautaire. Je suis à l’assemblée générale de Cultures&Santé et j’ai été membre de son conseil d’administration de 2008 à 2017.

Qu’est-ce qui vous a amenée à devenir membre de Cultures&Santé ?

Je connais Cultures&Santé depuis les années 1980, période à laquelle j’ai intégré l’assemblée générale. Quand j’ai commencé ma pratique médicale, j’étais confrontée à une population en grande majorité immigrée, souvent d’origine marocaine. Je constatais que la communication était difficile puisqu’un certain nombre de femmes et d’hommes parlaient très mal le français. Pour se faire comprendre et pour qu’ils puissent également s’exprimer, l’idée de faire appel à une interprète s’est vite imposée à moi. J’ai donc soutenu Cultures&Santé dans la mise en place d’un service d’interprétariat en milieu médical.

Comment avez-vous rencontré les autres membres de l’association ?

Le contact s’est fait via la coordination socio-médicale du quartier Senne dont la Maison médicale des Riches Claires faisait partie. Grâce à ce réseau, j’ai commencé à être au courant des réflexions sur l’accueil de la population immigrée.

Quelles étaient à ce moment-là les préoccupations des membres ?

Nous étions animés par la volonté d’aborder autrement la population qui avait vécu l’exil, qui était démunie, qui exprimait les symptômes de façon différente. Nous étions tous issus du mouvement de mai 68 et nous avions des idées « révolutionnaires ». Nous ne voulions pas réitérer les mêmes pratiques que nos aînés. Nous voulions promouvoir une médecine plus proche des personnes, à leur écoute. Le service d’interprétariat mis en place participait non seulement à cette meilleure écoute mais également à l’émancipation des femmes en particulier. Au départ, elles venaient en consultation souvent accompagnées d’un membre de la famille, souvent un enfant, parfois leur mari. Je sentais qu’elles n’étaient pas tout à fait libres de dire tout ce qu’elles avaient en elles. Par conséquent, le fait de pouvoir venir seules leur permettait d’être elles-mêmes et d’avoir ce petit vent de liberté.

Quel regard panoramique de 40 ans d'activités pouvez-vous porter ?

Quand je suis arrivée, les déléguées de Cultures&Santé faisaient beaucoup d’animations santé, notamment dans les écoles, les consultations ONE, dans les maisons médicales, au sein de cours de français... À côté de cela, il y avait des formations et des accompagnements destinés aux formateurs. Nous leur proposions des pistes pour améliorer leur pratique. Aujourd’hui, les animations comme elles se faisaient dans les années 1990 n’existent plus : il s’agit plutôt de projets citoyens. Cultures&Santé s’est aussi un peu éloignée du terrain pour se mettre plus en seconde ligne, en produisant tout une série de services. Le centre de ressources pédagogiques et documentaires reste très riche et a la particularité de proposer des outils qu’on peut utiliser avec des apprenants en alphabétisation. Je pense que Cultures&Santé a évolué en même temps que la société. Les demandes sont différentes de celles d’autrefois. Mais, l’asbl y répond toujours avec un objectif d’émancipation.

Qu’avez-vous retiré de l’activité de Cultures&Santé ?

A travers le service d’interprétariat, les programmes de formations et le partage d'une manière d’aborder la diversité, Cultures&Santé m’a beaucoup apporté. L’asbl a constitué un creuset de recherche pour pouvoir améliorer les choses. Aujourd’hui, Cultures&Santé a élargi son approche et je ressens donc moins cet apport dans ma pratique médicale. Mais l’équipe continue à mettre en place des outils qui peuvent vraiment être utiles. D’ailleurs, à la maison médicale, l’équipe continue à les exploiter.

Quelles sont les plus grandes réussites de Cultures&Santé ?

C’est de toujours exister. Ce qui n’est pas rien. Je pense aussi à l’emménagement dans les nouveaux locaux en 2010 qui a été un grand motif de satisfaction. Cultures&Santé a énormément déménagé tout au long de son histoire. Avec les locaux actuels, l’équipe a enfin trouvé un espace de travail agréable qui permet aussi d’accueillir des groupes en formation. Et puis, il y a un très bon conseil d’administration qui tente toujours d’améliorer le bâtiment et qui maintient bien le cap dans la gestion de la structure. Enfin, il y a la stabilité et la qualité de l’équipe avec des gens vraiment performants qui connaissent bien leur métier.

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Comment imaginez-vous l’avenir de Cultures&Santé ?

La diversité existera toujours. Et, selon moi, on ne peut pas mettre tout le monde dans le même moule, il y a lieu de s’adapter. Dès lors, il y aura toujours une place pour une organisation comme Cultures&Santé. À elle, dans le futur, d’évoluer et aux politiques de soutenir cela.

Pourriez-vous définir Cultures&Santé en un seul mot ?

Solidarité.

Que souhaitez-vous à Cultures&Santé pour ses 40 ans ?

J’espère vivement que Cultures&Santé continuera à travailler avec cette imagination et cette créativité qui la caractérisent. J’espère aussi qu’il y aura encore des personnes issues du monde médical qui s’intéressent aux aspects dans lesquels l’asbl est impliquée.

 

Propos recueillis le 1er mars 2018 à Bruxelles